Retour sur le culte ESTHER du 30Mars

RCF. Point de vue oecuménique

 un POINT DE VUE de Marie-Christine Michau

   

Histoire d’Esther

          Ce matin, je vous raconterai la belle aventure d’un groupe de paroissiens de Belfort qui ont centré un culte du mois de mars sur l’histoire d’Esther. Elle nous est racontée dans un des livres du Premier Testament et donne lieu à une fête d’inspiration biblique chez nos amis juifs. La fête de Pourim est célébrée chaque année le 14 Adar (en février ou mars du calendrier grégorien). A cette occasion, le rouleau d’Esther est complètement déroulé et lu entièrement. La fête est accompagnée de repas festifs, de gâteaux, de déguisements, de cadeaux, de dons aux pauvres. Arrêtons-nous un moment pour réfléchir pourquoi cette histoire a sa place dans nos bibles et en quoi elle concerne aujourd’hui encore notre vie.

Dans la tradition juive, Esther est vue comme un instrument de la volonté de Dieu pour empêcher la destruction du peuple juif, déporté en Perse. Elle apparaît dans la Bible comme une femme d’une grande piété, caractérisée par sa beauté, par sa foi, sa sagesse, son courage, son patriotisme, sa prudence et sa résolution. Elle a protégé le peuple juif et lui a assuré la paix en exil.

Le livre d’Esther est peu connu des chrétiens, rarement utilisé pour des prédications. Il était aussi absent des textes retrouvés dans les grottes de Qumran. Dans sa version hébraïque, le nom de Dieu n’y est même pas mentionné ! Cela a paru choquant à ses traducteurs et la version grecque, au II° siècle avant JC, a ajouté plusieurs passages, des commentaires et des prières adressées à Dieu. La lecture de cette histoire dans sa version hébraïque, pleine de rebondissements a été la colonne vertébrale de notre culte. Trois personnages courageux, Vasti, Esther et Mardochée par leurs actions valeureuses ont défié les normes et les attentes de leur temps, et leur histoire continue de résonner avec force aujourd’hui.

 

Le peuple juif a été déporté en Perse. Esther, une jeune fille juive, est choisie par le roi Xerxès (appelé aussi Assuérus) pour remplacer la reine Vasti. Celle-ci a été répudiée sur les conseils des fonctionnaires de l’Etat. Son refus de servir de faire-valoir à son royal époux qui voulait l’exhiber nue dans un banquet, leur est insupportable à cause du « mauvais » exemple qu’elle donne comme l’exprime le conseiller du roi (1,17-18) : « Toutes les femmes vont apprendre le comportement de la reine et elles se mettront à mépriser l’autorité de leurs maris… elles se permettront de répliquer à leurs maris et le mépris des femmes suscitera la colère des hommes ». Nous pouvons apprécier l’humour de l’auteur biblique qui déplace le problème du politique, le respect des décisions royales, à celui de la soumission des femmes dans les foyers d’une société patriarcale !

Esther est ensuite livrée au bon vouloir de Xerxès. Lorsque Mardochée lui découvre le complot du premier ministre Haman visant à exterminer les Juifs, Esther est confrontée à un choix crucial : se taire pour se protéger ou risquer sa vie pour sauver son peuple. Mardochée l’encourage (Esther 4,14) : « Mais qui sait ? Peut-être est-ce pour faire face à une telle situation que tu es devenue reine ». Malgré les risques accompagnant son intervention, Esther révèle sa judéité et intercède pour demander à son époux d’annuler le décret d‘Haman qui prévoit l’extermination de tous les juifs. Comme un décret marqué du sceau royal ne peut être annulé, Esther obtient du roi le droit pour les Juifs de se défendre le jour où ils seront attaqués, en tuant leurs adversaires. Le roi fait pendre Haman. Mardochée devient premier ministre. Une fête célébrera chaque année ces événements sous le nom de Pourim.

Le culte a été accompagné, comme c’est le cas dans la tradition juive, d’un charivari chaque fois que le nom de l’abominable Haman était prononcé. Des percussions avaient été distribuées, en particulier aux enfants et aux jeunes et, très attentifs aux lectures, ils ont su en faire bon usage ! Certaines parties du récit ont été résumées par une conteuse. Une autre a été remplacée par le texte de la pièce que Racine a écrit au XVII° siècle pour les jeunes filles du pensionnat de Saint-Cyr et par le chant d’un extrait de l’oratorio de Haendel du XVIII° siècle. La lecture a été entrecoupée de prières, de chants et de musique. Louange, demande de pardon, annonce de la grâce, prédication, ont trouvé naturellement leur place dans la célébration. Nous avons terminé en évoquant la fête juive de Pourim. Et nous avons partagé les gâteaux traditionnels appelés « oreilles d’Haman ».

Ce culte qui sortait de l’ordinaire a permis d’approfondir la connaissance du dernier livre qui est entré dans le canon hébraïque, de mieux comprendre une fête de nos amis juifs, de partager un message d’émancipation et de libération qui sera repris par Jésus. Lui-aussi défiera les normes sociales de son temps en partageant la table de personnes peu recommandables et en valorisant des femmes incluses dans son ministère comme la Samaritaine, la cananéenne ou celles qui seront témoins de la résurrection. Comme le Nouveau Testament, le livre d’Esther est un message d’égalité et de dignité.

                                      Marie-Christine Michau